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quatrième époque.

Que l’on croyait entendre, entre les éléments,
Des paroles d’amour et des embrassements,
Et, dans les forts élans qui semblaient les confondre,
L’eau, la terre, et le ciel, et l’éther, se répondre.
Tout ce que l’air touchait s’éveillait pour verdir ;
La feuille du matin sous l’œil semblait grandir ;
Comme s’il n’avait eu pour été qu’une aurore,
Il hâtait tout du souffle, il pressait tout d’éclore ;
Et les herbes, les fleurs, les lianes des bois,
S’étendaient en tapis, s’arrondissaient en toits,
S’entrelaçaient aux troncs, se suspendaient aux roches,
Sortaient de terre en grappe, en dentelles, en cloches,
Entravaient nos sentiers par des réseaux de fleurs,
Et nos yeux éblouis dans des flots de couleurs.
La séve, débordant d’abondance et de force
Coulait en gommes d’or des fentes de l’écorce,
Suspendait aux rameaux des pampres étrangers,
Des filets de feuillage et des tissus légers,
Où les merles siffleurs, les geais, les tourterelles,
En fuyant sous la feuille, embarrassaient leurs ailes :
Alors tous ces réseaux, de leur vol secoués,
Par leurs extrémités d’arbre en arbre noués,
Tremblaient, et, sur les pieds du tronc qui les appuie,
De plumes et de fleurs répandaient une pluie.
Tous ces dômes des bois, qui frémissaient aux vents,
Ondoyaient comme un lac aux flots verts et mouvants ;
Des nids d’oiseaux, bercés au roulis des lianes,
Y flottaient, remplis d’œufs tachetés, diaphanes,
Des mères qui fuyaient fragile et doux trésor,
Comme dans le filet la perle humide encor !
Chaque fois que nos yeux, pénétrant dans ces ombres,
De la nuit des rameaux éclairaient les dais sombres,
Nous trouvions, sous ces lits de feuille où dort l’été,
Des mystères d’amour et de fécondité.