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jocelyn.

26 août 1793.

J’ai passé tout ce jour comme dans un tombeau,
Le mort enveloppé dans son sanglant manteau,
Le pauvre enfant auprès, étendu sur la terre,
Le front enseveli dans le linceul du père,
Tantôt comme endormi sur le même oreiller,
Tantôt comme écoutant son père sommeiller,
Soulevant le manteau qui couvre sa figure,
Prenant pour son haleine un souffle qui murmure,
Collant longtemps l’oreille à sa bouche, et longtemps
Retenant dans son sein ses sanglots haletants ;
Puis, enfin détrompé, sur le front mort qu’il pleure
Attachant un regard triste et long comme l’heure,
Un de ces forts regards qui semble en un moment
Concentrer toute une âme en un seul sentiment,
Et qui rendrait, hélas ! la vie à la mort même,
Si l’amour seul pouvait ranimer ce qu’il aime !