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troisième époque.

Me rappelle à la fin à mes sens que j’oublie,
Dans un plaisir amer sur moi je me replie ;
Je sens que dans ce ciel d’où je descends si las
Dieu m’écoute, il est vrai, mais ne me répond pas.
Je cherche autour de moi, là, plus bas, dans ce monde,
Quelque chose qui sente avec moi, qui réponde :
Mon cœur est trop rempli pour ne pas déborder,
Et si mon sort voulait seulement m’accorder
Un second cœur, un cœur vide et muet encore,
Où la vie et l’amour ne fissent que d’éclore ;
Cette ardeur, que le mien ne peut plus renfermer,
Suffirait pour l’étreindre et pour le consumer ;
Je verserais en lui le trop-plein de mon âme ;
Sa flamme servirait d’aliment à ma flamme :
Cette double existence, en multipliant moi,
Me rendrait, ô mon Dieu, comme une ombre de toi !
Je sens que je pourrais dans cet autre moi-même
Jeter ce qui m’oppresse et doubler ce que j’aime,
Au miroir de mon cœur m’embraser à mon tour,
Créer l’âme de l’âme, et l’amour de l’amour,
Et, comme ton regard se voit dans ton ouvrage,
Consumé de mes feux, m’aimer dans mon image !


Alors ce dôme bleu me semble un beau linceul :
J’entr’ouvre en vain mes bras au vent, mon cœur est seul ;
Je cherche en vain des yeux dans cette vie aride,
Je jette en vain un nom au hasard à ce vide :
Le désert seul, hélas ! m’entoure et me répond.
Je vais du lac au pic, et de la grotte au pont ;
Je reviens sur mes pas, je m’assieds, je me lève ;
Mon propre sein me pèse, et rien ne le soulève ;
Il semble qu’à mon être il manque une moitié,
Objet de chaste amour ou de sainte amitié ;