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deuxième époque.




Grotte des Aigles, 17 avril 1793,
pendant la nuit.



Ô nuit majestueuse ! arche immense et profonde
Où l’on entrevoit Dieu comme le fond sous l’onde,
Où tant d’astres en feu portant écrit son nom,
Vont de ce nom splendide éclairer l’horizon,
Et jusqu’aux infinis, où leur courbe est lancée,
Porter ses yeux, sa main, son ombre, sa pensée !
Et toi, lune limpide et claire, où je crois voir
Ces monts se répéter comme dans un miroir,
Pour que deux univers, l’un brillant, l’autre sombre,
Du Dieu qui les créa s’entretinssent dans l’ombre ;
Et vous, vents palpitant la nuit sur ces hauts lieux,
Qui caressez la terre et parfumez les cieux ;
Et vous, bruit des torrents ; et vous, pâles nuages
Qui passez sans ternir ces rayonnantes plages,
Comme à travers la vie, où brille un chaste azur,
L’ombre des passions passe sur un cœur pur ;
Mystères de la nuit que l’ange seul contemple,
Cette heure aussi pour moi lève un rideau du temple !
Ces pics aériens m’ont rapproché de vous ;
Je vous vois seul à seul, et je tombe à genoux,
Et j’assiste à la nuit comme au divin spectacle
Que Dieu donne aux esprits dans son saint tabernacle !

Comme l’œil plonge loin dans ce pur firmament !
Quel bleu tendre, et pourtant quel éblouissement !