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deuxième époque.

Séminaire de ***, 2 mars 1793.

Ma pauvre mère, hélas ! ma pauvre sœur, mon Dieu !
Quoi ! la tempête aussi descend en si bas lieu ?
Quoi ! la maison de paix, de prière et d’aumône,
Où la charité seule avait son humble trône,
N’a pas pu trouver grâce aux yeux des factions ?
Ce toit qu’avaient couvert leurs bénédictions,
Ce seuil où leur misère était sans cesse assise,
Où la veuve et l’enfant entraient comme à l’église ;
Cette chambre où ma mère, avec sa douce main,
Pansait leurs pieds meurtris et leur rompait le pain ;
Ils l’ont brûlée ! ils ont chassé leur providence,
Autour des murs fumants mené l’horrible danse,
Tandis qu’à la lueur qui montait de ses toits,
Ma mère et ses enfants s’enfuyaient dans les bois !
Ainsi tout ce que j’aime est arraché de terre ;
Ainsi, si je cherchais la maison de mon père,
Mes yeux ne verraient plus qu’un pan de mur noirci,
Et le mendiant seul dirait : « C’était ici ! »


Ah ! je sens en moi-même, à cette horrible image
De ma mère fuyant les torches du village,
Qu’un Dieu seul peut donner le pardon aux humains :
Et si je ne brisais mon cœur entre ses mains,
À ma soif de vengeance ou plutôt de justice
Je ferais de mes jours cent fois le sacrifice ;