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deuxième époque.

Février 1793.

Souvent lorsque des nuits l’ombre que l’on voit croître
De piliers en piliers s’étend le long du cloître ;
Quand, après l’Angélus et le repas du soir,
Les lévites épars sur les bancs vont s’asseoir,
Et que, chacun cherchant son ami dans le nombre,
On épanche son cœur à voix basse et dans l’ombre ;
Moi, qui n’ai point encore entre eux trouvé d’ami,
Parce qu’un cœur trop plein n’aime rien à demi,
Je m’échappe ; et cherchant ce confident suprême
Dont l’amour est toujours égal à ce qu’il aime,
Par la porte secrète en son temple introduit,
Je répands à ses pieds mon âme dans la nuit.


Ossian, Ossian ! lorsque, plus jeune encore,
Je rêvais des brouillards et des monts d’Inistore ;
Quand, tes vers dans le cœur et ta harpe à la main,
Je m’enfonçais l’hiver dans des bois sans chemin,
Que j’écoutais siffler dans la bruyère grise,
Comme l’âme des morts, le souffle de la bise,
Que mes cheveux fouettaient mon front, que les torrents,
Hurlant d’horreur aux bords des gouffres dévorants,
Précipités du ciel sur le rocher qui fume,
Jetaient jusqu’à mon front leurs cris et leur écume ;
Quand les troncs des sapins tremblaient comme un roseau
Et secouaient leur neige où planait le corbeau,