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TOUSSAINT LOUVERTURE.

Il ne pleurniche pas comme un enfant qu’on sèvre,
Il n’a pas comme vous que du lait sur la lèvre,
Son œil sait voir plus loin que le nid dont il sort ;
Son esprit s’élargit au niveau de son sort.
Digne de ce grand drame auquel il participe,
Il aime le consul de cœur et de principe :
C’est le monde qu’en lui son cœur croirait trahir.
Quand le maître est un Dieu, la gloire est d’obéir !
N’est-ce pas, mon Albert ?

albert.

N’est-ce pas, mon Albert ?À ces mots mon cœur vibre.
Mon père m’a fait homme, oui, mais lui m’a fait libre ;
Il a fait pénétrer dans mon obscurité
Le jour éblouissant de toute vérité.
Dans l’esclavage abject dont mon sang fut l’emblème,
Il m’a dit : « Sois l’égal des blancs et de moi-même. »
Ses sages, respectant en moi l’humanité,
M’ont appris leur sagesse et leur fraternité !
Comme un germe futur de quelque grande chose,
Que d’une main soigneuse on plante et l’on arrose ;
Il m’a vivifié d’un souffle réchauffant
Pour grandir tout un peuple, un jour, dans un enfant :
Il veut faire de nous le nœud du nouveau pacte
Qu’avec l’autre univers le vieux monde contracte.
Le noir civilisé, devenu citoyen,
Confondra de Toussaint le nom avec le sien.
Ah ! que sa volonté dans son sort soit bénie !
Comprendre un grand dessein, c’est s’unir au génie !

salvador.

Voilà parler, mon fils !

À Isaac.

Voilà parler, mon fils !Tu ne comprends pas, toi.

isaac.

Vous savez que mon frère a plus d’esprit que moi.