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ACTE II, SCÈNE II

salvador, à Isaac qu’il rappelle.

Allons, venez ici, répondez-moi… Plus près…
Je vois de mauvais œil ces entretiens secrets.
On pleure, on s’attendrit, on rêve une patrie,
On devient moins Français, moins homme… Niaiserie !
Qu’importe sous quel ciel le soleil nous a lui !
Le consul veut, enfants, que l’on soit tout a lui.

isaac.

Nous parlions du consul.

salvador.

Nous parlions du consul.C’est l’homme du mystère.
Il faut, devant ce nom, adorer ou se taire.
Quand on en dit du bien, est-ce qu’on parle bas ?
Vous en disiez du mal, Isaac, n’est-ce pas ?
Il vous couvre partout de sa sollicitude,
Et vous n’avez pour lui que de l’ingratitude.
C’est bien mal ! Votre frère a le cœur différent ;
Il aime le héros.

isaac.

Il aime le héros.C’est que mon frère est grand.
Les souvenirs d’enfant sont loin de sa mémoire.
Moi, j’aime mes parents.

salvador.

Moi, j’aime mes parents.Il faut aimer la gloire,
Imiter votre frère et porter dans le cœur
D’un instinct machinal un sentiment vainqueur ;
Ce dévoûment sublime aux volontés d’un homme
Qui n’a plus ici-bas de titre qui le nomme,
Devant qui les devoirs de passé, d’avenir
Se résument en un : admirer et servir.
Mais pour ces sentiments il faut de grandes âmes,
Des cœurs qui ne soient pas trempés du lait des femmes,
Des yeux forts où le jour de ce grand siècle ait lui,
Une poitrine d’homme !… Albert le comprend, lui !