Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 32.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
60
TOUSSAINT LOUVERTURE.

Pas un de leurs vaisseaux ne reverra leurs bords.

Avec exaltation.

La flamme et les écueils sont leurs vents et leurs ports !
Ce ciel dévorera l’escadre avec l’armée,
Et la France en verra revenir la fumée !

Applaudissements frénétiques.

Mais il faut vous laisser conduire par un fil,
Sans demander : « Pourquoi ?… Que veut-il ? Que fait-il ? »
Que toute âme de noir se relie à mon âme !
Toute grande pensée est une seule trame
Dont les milliers de fils, se plaçant à leur rang,
Répondent, comme un seul, aux doigts du tisserand.
Mais si chacun résiste et de son côté tire,
Le dessin est manqué, la toile se déchire !
Ainsi d’un peuple, enfants !… Je pense : obéissez !
Pour des milliers de bras, une âme, c’est assez !

un homme du peuple.

Oui, nous t’obéirons !

un matelot.

Oui, nous t’obéirons !Comme à la brise l’onde !

pétion.

Toussaint sur Haïti ! comme Dieu sur le monde !

toussaint, aux généraux noirs.

Généraux, inspecteurs, chefs de mes régiments,
Allez, allez chacun a vos commandements.
Que l’occasion seule à ma place commande !
Je ne donne aucun ordre, et si l’on vous demande :
« Avez-vous vu Toussaint ? Sait-on l’ordre du chef ? »
Répondez seulement par un : « Non ! » ferme et bref.
Sur mes desseins secrets feignez l’incertitude ;
Restez dans une fausse et douteuse attitude ;
Ayez pour les Français des visages amis,
L’œil ouvert du serpent et des cœurs ennemis.