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DE SAINT-POINT.

sieur, mais je ne pouvais plus retenir mes yeux. Aussitôt que je les levais de dessus ma pierre de taille, ils voyageaient d’eux-mêmes vers ces montagnes. C’était si dur, monsieur, de me dire : « Dans sept heures de marche tu te contenterais, tu serais où tu voudrais être, tu verrais ce que tu veux voir ! Eh bien, non ! tu n’iras pas, tu te borneras à regarder de loin ton pays ! On ne saura pas encore que tu en es et que tu as passé si près d’eux ! »

Vous me direz : « Mais vous ne donniez donc aucune nouvelle de vous, et vous ne receviez donc aucune nouvelle des autres ! » D’abord, monsieur, ni moi ni personne de la maison nous ne savions lire ou écrire ; et puis je n’avais jamais rencontré un garçon de la montagne dans les chantiers qui pût me dire ceci ou cela du pays. Ensuite, faut-il vous le dire ? tout en désirant tant savoir ce qui était arrivé depuis mon tour de France à la maison, j’avais peur de l’apprendre. Je sais bien que c’est une contradiction, mais c’est comme ça. Est-ce que vous n’avez pas senti quelquefois que l’homme était, pour ainsi parler, double, et que, pendant que l’un désirait une chose, l’autre craignait en lui-même ? Donc, pas un mot des Huttes n’était venu à moi depuis si longtemps, et pas un mot de moi n’était arrivé aux Huttes. C’était pour moi comme un autre monde où j’aurais vécu avant la mort, et que je ne reverrais jamais qu’après ma résurrection.

Mais, depuis que je m’étais laissé entraîner par moi-même, et comme malgré moi, à revenir si près, et depuis que je mesurais des yeux, tout le jour, le nombre de pas que j’avais seulement à faire pour arriver à ces montagnes et pour revoir la famille, je n’étais plus si maître de mes jambes ni de ma volonté. J’étais quelquefois comme fou de désir, monsieur ; mon cœur battait comme s’il avait voulu s’échapper de ma veste et aller sans moi là-bas.

Je ne dormais plus, ou je dormais quasi éveillé, en