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RAPHAËL

son médecin pour ajouter l’autorité de l’art aux supplications de l’amour.

Ce médecin ou plutôt cet ami, le docteur Alain, était un de ces hommes de bénédiction dont la physionomie semble apporter un reflet du ciel dans la mansarde des pauvres qu’ils viennent visiter. Souffrant lui-même d’une maladie de cœur, suite d’une passion mystérieuse et pure pour une des plus belles femmes de Paris, possesseur d’une petite fortune suffisante à la sobriété de sa vie et à ses charités, homme d’une piété tendre, active, tolérante, il n’exerçait sa profession que pour quelques amis et pour les indigents. Sa médecine n’était que de l’amitié ou de la charité en action. Cette profession est si belle, quand elle n’est pas cupide, elle exerce tant la sensibilité humaine, qu’en commençant comme une profession, elle finit souvent comme une vertu. La médecine était devenue pour le pauvre docteur Alain plus qu’une vertu, la passion de soulager les misères de l’âme et du corps. Ces misères se tiennent quelquefois de si près ! Alain portait Dieu là où il portait la vie. Il faisait resplendir la sérénité et l’immoralité jusque dans la mort !

Je l’ai vu mourir lui-même, quelques années après, de cette mort des bons et des justes ; il en avait fait l’apprentissage au chevet de tant de mourants ! Cloué pendant six mois d’agonie sans mouvement sur sa couche, il comptait de l’œil les heures qui le séparaient de l’éternité. Une petite pendule était suspendue au pied de son lit. Il tenait entre ses mains jointes sur sa poitrine un crucifix, modèle de patience. Ses regards ne quittaient plus ce céleste ami, comme si son entretien eût été au pied de la croix. Quand il souffrait au delà de ses forces, il demandait qu’on approchât un moment le crucifix de sa bouche, et ses plaintes se confondaient avec ses bénédictions. Il s’endormit enfin dans ses espérances et dans le bien qu’il avait fait. Il avait chargé