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RAPHAËL

CV

C’était une belle et charmante vieillesse, à qui l’on ne souhaitait rien que la sécurité d’un lendemain. Cette vieillesse toute désintéressée et toute paternelle ne blessait nullement le regard à côté de cette jeune femme. C’était un peu d’ombre du soir sur un épanouissement du matin. Mais on sentait que cette ombre était protectrice, et qu’elle abritait tout, sans rien flétrir de cette jeunesse, de cette innocence et de cette beauté.

Les traits de cet homme illustre étaient réguliers comme ces lignes pures des profils antiques que le temps décharne un peu sans les altérer. Ses yeux bleus avaient le regard adouci mais pénétrant d’une vue usée qui regarde à travers une brume légère. Sa bouche était fine comme un demi-mot, enjouée comme un sourire de père aux petits enfants. Ses cheveux éméchés par l’étude et par l’âge avaient la souplesse et les inflexions d’un duvet de cygne. Ses mains étaient effilées et blanches comme les mains de marbre de la statue de Sénèque mourant faisant ses adieux a Pauline. Son visage amaigri et pâli par les longs travaux de l’esprit n’avait point de rides, parce qu’il n’avait jamais eu de chair. Quelques veines bleues’et épuisées de sang serpentaient seulement sur les tempes creusées. Son front, cet organe que les pensées sculptent et polissent comme la dernière beauté de l’homme, réfléchissait les lueurs du foyer. Les joues avaient cette délicatesse de peau, cette transparence de teinte d’un visage qui a vieilli à l’ombre des murs et que le vent ni le soleil n’ont jamais halé. Teint de femme qui effémine, à la fin de la vie, la physionomie des vieillards. Ce teint donne quelque chose d’aérien, de