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RAPHAËL

tière assis devant une petite table de travail éclairée par une lucarne qui prenait jour sur la cour de l’hôtel de Richelieu. Un poêle de faïence chauffait la chambre ; un paravent enveloppait la table et la chaise. Il m’abritait contre le regard des jeunes gens du grand monde qui venaient fréquemment rendre visite à mon ami. Il y avait dans l’horizon de cette vaste cour des retentissements de voitures, des silences, et quelques beaux rayons de soleil d’hiver luttant contre le brouillard rampant des rues de Paris. Ces bruits et ces silences me rappelaient un peu les jeux de la lumière, les bruits de vent et les brumes transparentes de nos montagnes.

XC

J’y voyais jouer de temps en temps un charmant petit garçon de huit à dix ans. C’était le fils du concierge. Ses beaux cheveux bouclés sur le front, sa physionomie intelligente et sensible, me retraçaient les candides figures d’enfants de mon pays. Sa famille était, en effet, d’un village voisin du village de mon père, tombée dans la misère et transplantée à Paris. Cet enfant avait fini par s’attacher à moi, en me voyant toujours à ma lucarne au-dessus de la loge de sa mère. Il s’était consacré volontairement et gratuitement a mon service. Il faisait toutes mes commissions dans la rue ; il m’apportait mon morceau de pain, un peu de fromage, les fruits pour mon déjeuner ; il allait m’acheter mes provisions tous les matins, chez la fruitière. Je prenais ce frugal repas sur ma table de travail, au milieu des livres ouverts et des pages interrompues.

L’enfant avait un chien noir, oublié par un étranger dans l’hôtel. Le chien et l’enfant ne se quittaient pas. Le