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RAPHAËL

« Allons-nous-en, me dit-elle, j’ai froid, ce lieu n’est pas bon pour nous. »

Nous donnâmes quelques pièces de monnaie à la bonne femme, et nous reprîmes lentement le chemin de Chambéry.

LXII

Le lendemain, Julie partait pour Lyon. Le soir, Louis *** vint nous voir à l’auberge. Je le décidai à partir avec moi pour passer quelques semaines dans la maison de mon père. Cette maison était sur la route de Lyon à Paris. Nous sortîmes ensemble. Nous cherchâmes chez les selliers de Chambéry une petite calèche découverte dans laquelle nous suivrions en poste la voiture de mon amie jusqu’à la ville où il faudrait nous séparer. Nous trouvâmes ce que nous cherchions.

Avant le jour, nous étions en route et nous galopions en silence dans les gorges sinueuses de la Savoie qui s’ouvrent au pont de Beauvoisin sur les plaines caillouteuses et monotones du Dauphiné. Nous descendions de voiture à chaque relais, pour aller à la portière de la première voiture nous informer de la santé de la pauvre malade. Hélas ! chaque tour de roue qui l’éloignait de cette source de vie qu’elle avait trouvée en Savoie semblait lui enlever ses couleurs et rendre à ses yeux et à ses traits cette langueur et cette fièvre sourde qui m’avaient frappé, comme la beauté de la mort, la première fois que je l’avais vue. L’approche du moment où nous devions la quitter lui serrait visiblement le cœur. Entre la Tour-du-Pin et Lyon, nous entrâmes, pour la distraire pendant quelques lieues, dans sa voiture. Je la priai de chanter à mon ami la romance du Matelot écossais. Elle le fit pour m’obéir. Mais, au second couplet, qui raconte les