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RAPHAËL

IX

Je passais mes jours dans ma chambre avec quelques livres que mon ami m’envoyait de Chambéry. L’après-midi, je parcourais seul les sites sauvages et alpestres des montagnes qui encadrent, du côté de l’Italie, la vallée d’Aix. Je revenais harassé de fatigue, le soir. Je m’asseyais à la table du souper. Je rentrais dans ma chambre. Je m’accordais pendant des heures entières à ma fenêtre. Je contemplais ce firmament qui attire la pensée, de même que l’abîme attire celui qui s’y penche, comme s’il avait des secrets à lui révéler. Je m’endormais dans cette contemplation. Je me réveillais aux rayons du soleil, aux murmures des fontaines chaudes, pour me plonger dans le bain, et pour reprendre après le déjeuner les mêmes courses et les mêmes mélancolies que la veille.

X

Quelquefois, le soir, en me penchant a ma fenêtre sur le jardin, j’apercevais, à une autre fenêtre ouverte et éclairée par une lumière, une figure de femme accoudée comme moi, qui écartait avec la main les longues tresses noires de ses cheveux, pour regarder aussi le jardin resplendissant de lune, les montagnes et le firmament. Je ne distinguais dans ce clair-obscur qu’un profil pur, pâle, transparent, encadré par les ondes noires d’une chevelure lisse et collée aux tempes. Cette figure se dessinait sur le fond lumineux de la fenêtre éclairée par la lampe de la chambre.