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ACTE II, SCÈNE II

Notre enfance en commun du même pain nourrie,
Toute joie en mon cœur à ton départ tarie ;
À travers l’océan ce soupir éternel,
Te rappelant d’ici sur le sein paternel,
Rien ne peut !… Ah ! qu’ont-ils pour fasciner ton âme ?
As-tu lu plus d’amour dans un regard de femme ?
Foule alors, sous tes pieds, ce cœur plein de ta foi,
Qui crie encor d’amour, en se brisant pour toi !
Pour faire un pas vers eux, traverse donc ma vie !
Non, la nature parle et l’amour t’en défie !…
Ils te rendent à nous, à ton père, à ton sang !

En se jetant dans ses bras.

Ah ! je sens sous mon front battre un cœur renaissant,
Son regard attendri se mouille, sa main tremble ;
Il cède !… Nous vivrons ou nous mourrons ensemble !

albert, désespéré, à son père et à Adrienne.

Entre l’honneur et vous qui pourrait réfléchir ?

isaac.

Réfléchir !

le moine.

Réfléchir !Il chancelle !

adrienne.

Réfléchir ! Il chancelle !Il pleure !

le moine.

Réfléchir ! Il chancelle ! Il pleure !Il va fléchir !

albert.

Mon cœur est tout a vous, mais ma foi me rappelle ;
Le noir comme le blanc doit y rester fidèle !
J’ai trop promis, sans doute !… oui, mais il faut tenir.

Il fait un signe de désespoir et s’éloigne de quelques pas, lentement, la tête baissée. — Adrienne pousse un cri. — Toussaint fait un geste d’abattement. — Albert se retourne et revient sur ses pas.
adrienne, avec un geste de joie.

Je le sentais bien, moi, qu’il allait revenir !

À ce moment Rochambeau, qui s’est avancé sans être aperçu
jusque-là vers le lieu de la conférence, se montre de loin
sur un rocher.