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TOUSSAINT LOUVERTURE.

« Allez, nous ont-ils dit, sans prix nous vous rendons,
Soyez entre ses mains le premier de nos dons ;
De nous comme de lui pour que la paix soit digne,
Sans lui tenir la main nous voulons qu’il la signe !
Ou restez dans votre île, ou revenez amis ;
Le Français affranchit même ses ennemis. »

toussaint.

Est-il vrai ? Ce consul est-il donc plus qu’un homme !
De quel nom, mes enfants, faut-il que je le nomme ?

albert.

Nommez-le votre ami, car il nous aime en vous.
Si vous saviez les soins que son cœur prit de nous ?
Souvent l’auguste main qui pèse un monde et l’autre
Se posa sur nos fronts douce comme la vôtre !
On n’a pas condamné dans son secret dessein
La race qu’on réchauffe ainsi contre son sein !
Ne vous a-t-il pas dit : « Tous deux grands, soyons frères :
« La terre n’a qu’un astre, elle à deux hémisphères. »

toussaint, réfléchissant et parlant par saccade.

Ce mot énigmatique est clair quoique profond,
Un nuage le couvre, un empire est au fond !
— Oui ! l’oracle est obscur, mais on peut le comprendre,
Devenir ton égal est-ce donc redescendre ?
— Ah ! l’amour de mes fils, ma seule passion,
Politique, nature, orgueil, ambition,
Tout commande a mon cœur ce que leur voix m’inspire.
— La guerre est un hasard ; la paix est un empire.
— De l’avenir des noirs présage triomphant !
Un héros ne ment pas par la voix d’un enfant.

À ses fils.

Allez ! portez aux blancs la réponse d’un père :
Mes bras sont désarmés si leur chef est sincère.