Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 32.djvu/139

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
TOUSSAINT LOUVERTURE.

Et, pour bénir l’état où tu nous as fait naître,
Un bon père la-haut !… sur la terre un bon maître ! »

Toussaint se lève avec indignation ; ses enfants étonnés
se lèvent avec lui.
toussaint, avec force.

Un maître !… Qu’as-tu dit ?… Le nègre n’en a plus !
Ces mots sont effacés, ces temps sont disparus !…
Debout, enfants, debout, le noir enfin est homme !
Spartacus a brisé ses fers ailleurs qu’à Rome !
Un maître !… Ah ! de ce mot tout mon cœur a saigné ;
Il me rappelle, au cri de mon sang indigné,
Que mes fils dans mes bras sont le présent d’un traître,
Que j’ai des ennemis !… ah ! oui ! mais pas de maître !…

À ses fils.

Vous venez, en leur nom, m’apporter leur mépris !
J’arracherais vos cœurs s’ils les avaient flétris !
Vous n’êtes plus mes fils, ma tendresse, ma joie ;
Non, vous êtes l’esprit du blanc, qui vous envoie.
Maître !… c’est leur langage ; ils usurpent ce nom !
Ils m’ont gâté mon sang !

isaac.

Ils m’ont gâté mon sang !Ô mon père ! pardon.

toussaint.

Embrasse-moi !… Loin, loin, toute parole amère !
Elle ferait gémir l’ombre de votre mère.
Tu ne le diras plus, ce mot injurieux.
Les blancs sont des larrons, le maître est dans les cieux !

Il regarde et touche leurs habits.

Ils ont changé sur vous l’habit de votre enfance ;
Rougissez-vous de moi sous ce luxe de France ?

albert et isaac, révoltés.

Ah !

toussaint, avec orgueil.

Ah !Ce vieux mendiant a sous ses vils habits