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ACTE II, SCÈNE II


SCÈNE SIXIÈME


ADRIENNE, SALVADOR.
salvador, se parle à lui-même en se promenant à pas
rapides sur la scène.

Encore quelques mots de leur nid, de leur père,
Qu’envenimait si bien sa langue de vipère,
Et je perdais sur eux mon ascendant vainqueur !
Grand Dieu ! je l’ai perdu peut-être dans leur cœur !
À tout prix au consul ma parole en doit compte.
Si j’y manquais… sur moi malheur, ruine et honte !
De cet amour grandi dans le sein d’un enfant
Puis-je être désormais le maître en l’étouffant ?
L’absence à cette fièvre est-elle un sûr remède ?
Non, il faut appeler le mépris à mon aide,
Et que l’orgueil d’Albert, sa grande passion,
Soit contraint à rougir de cette émotion…
On pourrait… Elle est jeune, innocente… oh ! scrupule !
Quoi ! devant un remords un grand dessein recule !
Cela m’arrêterait ?… Eh ! qu’importe, après tout,
Sur quoi l’on a marché quand on arrive au bout ?

adrienne, qui a examiné le portrait de son père, poussant
un cri et tombant aux pieds de Salvador.

Je me meurs à ses pieds, mon Dieu !

salvador, la soulève évanouie et regarde, le portrait.

Je me meurs à ses pieds, mon Dieu !Songe ou vertige !…
Est-ce une vision qui sur mes yeux voltige,
Et qui, réunissant des souvenirs épars,
En compose un fantôme et raille mes regards ?
Dissipons ce fantôme en le fixant en face.
Devant l’œil bien ouvert tout miracle s’efface :