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Vole d’un pôle au pôle, et s’abat tour à tour
Aux bords où naît l’aurore, où va mourir le jour !
« Quelle est vers l’Occident cette immense contrée
Par l’abîme des eaux du monde séparée,
Et qui, d’un pôle à l’autre étendant ses déserts,
Presse autour de ses flancs la ceinture des mers ?
Sur les routes de l’onde autour d’elle semées,
Cent îles reposant sur des vagues calmées,
Ainsi que des vaisseaux qui flottent vers des ports,
Semblent avec amour s’approcher de ses bords !
Jeune et dernier enfant qu’ait porté la nature,
Ses monts ont conservé leur verte chevelure ;
Ses fleuves, ombragés du dôme de ses bois,
Élèvent jusqu’à nous leurs mugissantes voix !
Sans doute qu’en ces lieux, choisissant leurs asiles,
Les enfants de l’Europe ont élevé leurs villes,
Donné des noms chéris à ces nouveaux remparts,
Et transporté leurs dieux, leur empire et leurs arts ?
— Insensé ! dit l’Esprit : c’est la terre féconde,
Où l’aquillon poussa les vaisseaux du vieux monde,
Quand déjà ses enfants, rebut des nations,
Emportaient avec eux des malédictions !
En vain il aborda dans ces champs de délices,
L’homme dégénéré n’y sema que ses vices.
La licence, l’erreur, les peuples et les rois
De ce monde naissant corrompirent les lois ;
Et, souillé sur ces bords par le sang des victimes,
L’arbre heureux de la foi n’y porta que des crimes.
En vain, dans ces forêts, des peuples transplantés
Y fondèrent des lois, des trônes, des cités,
Ces empires d’un jour l’un l’autre se chassèrent ;
Les générations comme l’ombre y passèrent.
Tel qu’un fruit corrompu qui tombe avant le temps,
La terre y secoua ses rares habitants ;