Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/81

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cœur, me dit la Transtévérine en italien, et elle guérit sa colère par du mépris ! Si c’était moi, je l’aurais guérie avec du sang ! » La nourrice paraissait regarder comme le plus sanglant des affronts la générosité de Saluce. Et quand je lui prononçais ce mot : « Non, non, non, me disait elle, monsieur, il n’y a point de générosité contre l’amour ! Quand on s’aime dans mon pays, on s’aime et on ne sait pas autre chose. Vous autres Français, vous ne comprenez pas la vertu d’un cœur du Tibre ; l’eau de votre pays délave le cœur. Un Romain aurait ruiné et déshonoré ma jeune maîtresse, mais il l’aurait aimée jusqu’au sang ! Je le méprise, allez ! »


XXXIV


Le troisième jour, Régina reparut enfin plus pâle et plus calme. En me revoyant dans le jardin, elle s’approcha de moi le doigt sur la bouche, pour me dire par ce signe de ne jamais réveiller le nom dans son oreille. Elle parut profondément touchée et même attendrie de l’expression de tristesse et d’anxiété qui avait changé mon visage depuis ces trois jours et ces trois nuits. « Ne vous faites pas tant de chagrin pour moi, me dit-elle en me pressant la main et en me regardant avec une expression de sollicitude et de confiance qui disait cent mille choses indécises dans ses pensées ; sa main a arraché elle-même le trait de mon cœur, je suis guérie ! Sur le tombeau de Clotilde ce n’était pas Clotilde que j’avais trouvée, c’était son fantôme ! Ce fantôme s’est évanoui ! Non, il n’était pas le frère de Clotilde, il avait ses traits, il n’avait pas son cœur ! »

Puis, laissant retomber ma main et se retournant avec