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au-devant de la consolation. Je vivais le plus possible loin d’elle, la livrant à sa propre volonté, à ses rêves, à sa solitude, à ses larmes, errant moi-même une partie du jour dans les gorges du Jura, lisant, écrivant, çà et là, quelques vers sur les scènes éblouissantes que j’avais sans cesse sous les yeux, et assidu seulement le soir auprès de la pauvre comtesse Livia, dont je cherchais à désennuyer les heures.

Je me fis aimer ainsi de Régina d’une amitié familière et confiante, bien plus que si j’avais apporté dans mes rapports de chaque instant avec elle un empressement et une servilité de complaisance que sa beauté et sa bonté auraient pu inspirer à d’autres. Je ne puis pas dire que je ne fusse pas ébloui d’une beauté à laquelle rien de ce que j’avais vu jusque-là en Europe ne pouvait être comparé. Je regardais cette jeune fille comme on regarde une flamme dans les bruyères pendant l’été, en admirant les lueurs du feu, mais sans s’y réchauffer. Régina ne songeait pas elle-même que j’étais jeune ; elle ne savait pas si j’étais beau ou laid, fait pour repousser ou attirer les regards ; elle savait que j’étais l’ami de Saluce, voilà tout. Ce titre lui enlevait toute espèce de contrainte. Il lui semblait qu’elle avait vécu dans l’intimité avec moi depuis qu’elle avait connu Clotilde et aimé son frère.


XXX


J’avais informé Saluce, par l’entremise d’un officier suisse de ma connaissance à Rome, de la résidence que j’avais choisie pour Régina et pour sa mère pendant leur séjour forcé loin de Rome. Il nous écrivait par le même