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chargés jusqu’à la gueule, dans la paille de la charrette, sous ses pieds. Les fugitifs, accompagnés seulement de la nourrice, prirent, quatre heures avant le jour, la route des montagnes, en suivant le plus possible les chemins les moins fréquentés. Grâce à la vigueur du cheval, ils arrivèrent le soir du lendemain à la résidence de la comtesse Livia. La comtesse, qui les attendait à toute heure, ne perdit pas un instant à jouir du retour de sa fille. Elle avait tout préparé pour l’éventualité de sa fuite. Une felouque espagnole, nolisée par les soins de son fattore, attendait leurs ordres à Gaëte. Ils s’y rendirent le lendemain et s’embarquèrent pour Gênes, où la comtesse avait averti par lettre son banquier de lui préparer de l’or, une voiture et un courrier.

Les adieux de Régina et de Saluce, en se séparant des deux fugitives délivrées, ne furent qu’un court et heureux ajournement de leur réunion et de leur félicité. Ils devaient se retrouver six semaines après à Paris. Mais comme la fuite de Régina aurait passé pour un rapt si le nom de Saluce y avait été mêlé, Saluce résolut de revenir hardiment à Rome, comme s’il n’en était jamais sorti, de s’y montrer avec affectation dans les lieux publics et au théâtre, et de démentir ainsi, par sa présence, toute participation à l’événement dont le public allait s’entretenir.


XXVIII


Il reprit donc la route de Rome par le même chemin et dans le même costume qui avaient assuré l’enlèvement de Régina ; mais, en arrivant la nuit dans la maison du frère de la nourrice, il trouva dans la cour une bande de sbires