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recluses. Je croyais que ce bruit ferait retourner l’une d’entre elles ; mais il n’y avait personne dans les bancs. Leurs places étaient marquées par des livres de prières laissés sur la dernière étagère de leur prie-Dieu. Un petit autel au fond, décoré de fleurs artificielles plantées dans des urnes de marbre peint en or, deux ou trois tableaux de dévotion enfermés et encadrés de bois noir contre des murailles blanchies à la chaux, une balustrade de cyprès moulée séparant le chœur du reste de l’édifice, un pavé de grandes dalles dont quelques-unes étaient sculptées en bosse avec des armoiries et des figures, dont les autres ne portaient qu’une large croix carrée dessinée sur la pierre, avec un nom et une date en bas ; voilà tout. Deux rayons de soleil tombant d’aplomb par les vitraux d’un petit dôme au-dessus de l’autel traversaient perpendiculairement le fond de l’enceinte, comme deux gerbes d’eau, venaient frapper les dalles au pied de la balustrade, et rejaillissaient en lumière éblouissante a mes pieds sur une de ces sculptures. C’est à cette clarté de ciel, c’est à la lueur de ce cierge éternel, comme tu l’appelles dans tes vers, que je lus le nom de Clotilde et la date de sa mort. Je me précipitai d’abord pour embrasser de mes deux bras ce lit de lumière où elle reposait, où le soleil semblait ainsi la chercher pour la ranimer. Ce ne fut que plus tard et après avoir prononcé mille fois son nom, pleuré et prié sur sa tombe, que je m’aperçus d’une différence qui ne m’avait pas frappé d’abord entre cette dalle et celles qui recouvraient les autres cercueils dont la chapelle semblait pavée. Elle était de marbre, et il y avait au sommet une poignée de fleurs encore odorantes, et qui semblaient souvent renouvelées. Je ne fis pas grande attention à cette distinction de culte entre les cercueils, et je restai agenouillé je ne sais combien de temps sur la dalle, les coudes