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de la supérieure et de son amie avec le petit ; si vous me l’aviez repris, je serais morte !… Et Jean, ajouta-t-elle en regardant son mari, que serait-il devenu sans son apprenti ?

« — Et moi donc, dit Geneviève, il aurait donc fallu que vous me prissiez avec lui, car je ne pourrais pas plus m’en séparer à présent que je ne puis me séparer de la pensée de ma pauvre sœur.

Puis elle dit à Luce :

« Vous me prendrez au Gros-Soyer avec vous, n’est-ce pas ? Je suis d’un petit appétit, je ne coûte pas cher à nourrir ; je gagnerai bien mon pain avec vous, allez, et je ne vous demanderai jamais d’autres gages que de voir l’enfant, de lui apprendre à lire et à prier pour sa première mère, pour la seconde, et pour vous, Madame, ajouta-t-elle en prenant tendrement la main de l’étrangère et en la portant à ses lèvres.

« — Non, vous n’aurez pas besoin de gages chez la paysanne, ma pauvre fille, dit la vieille dame à la servante, c’est moi qui les payerai. »

À ces mots, elle se tourne vers le notaire et vers le juge de paix, et leur dit :

« Voici un portefeuille qui contient les vingt-quatre mille francs que mon neveu a laissés pour son fils, dans le cas où je parviendrais jamais à constater son existence. J’en donne la jouissance à Luce et à son mari, à la charge de loger, de nourrir et de soigner Geneviève chez eux jusqu’à sa mort, et la propriété à cet enfant après eux. Vous aurez soin d’employer cette somme à l’acquisition de quelques petits domaines, attenant à l’habitation de ces pauvres gens au Gros-Soyer. Jean était magnien, il deviendra laboureur. C’est un état plus sédentaire et plus respecté.

« — Oh ! Dieu ! quel bonheur ! dit Luce en se frappant les mains l’une contre l’autre. Jean, mon ami, tu ne me