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dais en liberté et en paix ces murs qui l’avaient enfermée, ces pavés qu’elle avait foulés, cette longue allée de cyprès qu’elle avait comptés si souvent en pensant à moi, cette fontaine qui bouillonnait sous le cloître et dont le murmure l’avait éveillée ou assoupie trois ans ! La cour étincelante de soleil, et dont les dalles laissaient passer de longues herbes et des giroflées jaunes entre les interstices des pierres, avait l’air d’un campo santo abandonné aux végétations incultes du Midi.

« Le bruit de mes pas sur les pierres n’attira personne dans cette cour déserte, ne fit ouvrir aucune persienne aux fenêtres. Je ne savais à qui m’adresser pour parler à la supérieure et lui demander à visiter les restes de ma sœur et à emporter ses reliques. La tourière dormait apparemment, comme les autres habitants de ce cloître endormi. Je m’enhardis, en attendant un mouvement ou une voix, à jeter les yeux sur la partie ouverte du cloître, sur la fontaine, sur la cour, sur les jardins que n’animait le bruit d’aucune bêche, et à faire quelques pas dans l’enclos.

« J’aperçus enfin, à l’extrémité du cloître, une grande porte entr’ouverte ; c’était celle de la chapelle du monastère, dont ma sœur m’avait souvent parlé. Je pensai qu’une religieuse en méditation dans la chapelle avait sans doute laissé cette porte sans la refermer derrière elle, que le bruit de mes pas l’arracherait à ses pieuses pratiques, et qu’elle viendrait m’indiquer la personne du couvent à laquelle je devais m’adresser. Je fis quelques pas sous le cloître ; je trempai en passant ma main dans l’eau du bassin qui avait tant d’années rafraîchi le front de Clotilde, j’en bus une pleine main en mémoire d’elle ; je poussai le battant de la porte et j’entrai en faisant exprès résonner mes pas sous le petit dôme consacré aux dévotions des