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deux doubles de toile, dans la layette du pauvre abandonné, et quand sa première nourrice vint le prendre, je lui indiquai de l’œil et du doigt la place où j’avais cousu cet extrait de naissance, invisible aux administrateurs, afin qu’elle le décousît plus tard et qu’elle en fît à tout hasard le témoin inséparable de son nourrisson. »

À ces mots, Geneviève s’élança d’un bond sur le groupe où Luce et le petit se tenaient tout tremblants auprès du lit du malade, et, ouvrant de ses mains promptes comme la pensée le gilet et la chemise de l’enfant, qui pleurait et qui se défendait de cette violente tendresse, elle en arracha de la boîte de fer-blanc le papier et la boucle blonde des cheveux de Josette :

« Est-ce cela, madame ? oh ! de grâce ! dites, dites, est-ce cela ? s’écria-t-elle en étalant la tresse sur les genoux et sous les yeux de la supérieure.

« — C’est cela, ma fille, dit solennellement la religieuse. Que Dieu soit loué, chère amie ! dit-elle aussitôt en reprenant la boucle de cheveux des mains de Geneviève et en la donnant à la dame étrangère ; tenez, voilà qui désormais est à vous ; c’est votre titre de propriété de cet orphelin. » Geneviève resta les bras pendants et les mains vides, consternée d’avoir ainsi, à son insu, travaillé pour une autre, et de perdre la possession de l’enfant qu’elle se croyait enfin acquise à jamais.

Luce était pâle et immobile comme le marbre d’une Niobé sauvage.

Jean se cachait la tête sous sa couverture.