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« De plus, elle s’en allait des journées entières en commerce ou en moisson, avec sa serpe ou son âne, sortant le matin, ne rentrant qu’au soleil couché, et laissant pendant toutes ces heures le pauvre enfant lié dans son berceau, sur le palier de sa porte, gardé par le chien et par le cochon. La chèvre avait plus de pitié que la femme. En rentrant des bruyères, elle venait d’elle-même se placer en travers, sur le berceau, pour faire teter le petit humain ; mais, tout le reste du temps, il n’y avait ni femme ni chèvre autour de lui ; il dormait ou il criait du fond de la cour comme une complainte qu’on chante seul dans des murs vides. Il n’y avait rien de si triste, monsieur, que ce gémissement continu et désespéré d’une voix qui pleure dans la nuit d’une maison, sans être entendue de personne !


CLIX


« Mais moi, monsieur, je l’entendais tant et toujours, ce petit enfant, qu’à la fin je n’y pus pas tenir. Je pensai : Mon Dieu ! si c’était le mien pourtant, je serais bien aise qu’une voisine, attendrie par sa misère, vînt lui prêter un peu de ce lait qui lui manque ; et quand ce ne serait que lui sourire pour réjouir un peu ses pauvres yeux ! »

« Donc, un jour après midi que la mère Maraude ne devait pas revenir et que le nourrisson pleurait encore plus misérablement que de coutume, je pris mon petit endormi dans mes bras, je m’avançai toute tremblante vers le poirier, je montai sur le rocher d’où l’on voit la cour, et je descendis sur le palier, les pieds nus, pour consoler le malheureux nourrisson.