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trine ; une robe de laine verte, très-courte, des bas gris et de gros souliers ferrés, recouverts sur le cou-de-pied d’une agrafe d’argent, formaient tout son costume.


CXLVI


À peine eut-elle embrassé le petit, en l’élevant de ses deux bras vigoureux jusqu’à son visage, comme s’il eût été un nourrisson de dix-huit mois, qu’elle monta l’escalier en l’emportant suspendu à son cou. L’enfant lui montra la porte, puis le lit ; elle s’approcha à pas muets, et, tombant à genoux au chevet, elle entoura le corps du malade de son bras droit, et baisa son front mat à plusieurs reprises, tout en serrant encore de son bras gauche le pauvre petit. Geneviève et moi, nous l’avions suivie sans qu’elle eût fait grande attention à nous, et nous assistions, émus et muets, à ce triste embrassement.

« Ô mon Jean ! dit-elle, me reconnais-tu ? »

Le malade ne lui répondit qu’en lui serrant la main avec tout ce qui lui restait de force et en tournant vers elle ses yeux où l’on vit monter deux dernières grosses larmes. Elle les essuya et baisa sur ses yeux cette puissante expression de la tendresse du mourant.

« Ah ! tu me reconnais ! Eh bien, c’est bon, dit-elle, je t’empêcherai bien de mourir, puisque ton cœur parle encore en toi pour moi ; car qu’est-ce que je deviendrais sans toi, moi qui n’ai plus ni père, ni mère, ni frère au monde ? Et qui est-ce qui couperait le bois ? Et qui est-ce qui faucherait le coteau ? Et qui est-ce qui travaillerait en hiver pour reporter en été du pain et des liards à la maison ? Et qui est-ce qui élèverait l’enfant, et qui lui apprendrait