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PREMIÈRE LETTRE


« Rome.


. . . . . . . . . . . . . . . . .

.   .   .   .   .   .» Si tu étais ici, rien ne me manquerait. Il faut deux âmes pour embrasser Rome ; je n’en ai qu’une, et je ne sais pas si je l’aurai longtemps. J’ai peur qu’elle ne m’ait été enlevée dans un regard comme à mon héros de l’Arioste, et qu’au lieu d’avoir été emportée dans une étoile, elle ne soit restée dans les deux plus beaux yeux qui aient jamais reflété ce beau ciel d’avril ici. Ohimè ! (c’est une exclamation de langueur italienne) Ohimè ! ma pauvre sœur ne m’en avait pas trop dit ! Ohimè !Misero me !Povero me !… Toutes les interjections du Transtevere ne suffiraient pas à évaporer ce qui m’oppresse. Tu m’as connu peu poétique ; je le suis plus que toi cette nuit, car je t’écris au lieu de dormir. Ma pensée n’est pas en moi ; elle n’est pas non plus dans cette belle poésie du Guido qui me regarde, ou plutôt qui regarde le ciel du fond de cette longue galerie qu’habitait mon oncle et où il entassait ses trésors de peinture. Non, non, la poésie que j’ai vue aujourd’hui vit, marche, palpite et parle ! Et quelle vie ! et quelle démarche ! et quelles palpitations dans le sein ! et quelles mélodies sur les lèvres ! et quelles larmes transparentes sur le globe des yeux ! O Guido Reni ! tu as bien rêvé ; mais la nature rêve plus beau que toi !