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naissance du sein ! Tenez ! le voilà ! le voilà ! monsieur ! Qu’on me dise maintenant que ce n’est pas elle ! » En poussant ces cris de surprise et de joie, elle entr’ouvrait un peu la grosse chemise de toile écrue de l’enfant, et me montrait, en effet, un large signe déjà couvert d’un duvet blond ; elle l’embrassa avec plus de transport encore qu’elle n’avait embrassé le front, les cheveux, le menton, les joues !

Ce signe, posé à la même place que sur la poitrine de Josette, paraissait à Geneviève l’acte de naissance, signé par Dieu lui-même, de l’enfant que le hasard remettait ainsi dans ses bras.

Elle se calma un peu et retomba assise sur le banc en regardant toujours le charmant visage étonné du pauvre magnien et en s’essuyant les yeux, d’où coulèrent à la fin deux flots de douces larmes.


CXXXVII


« Pourquoi donc que cette dame me déshabille comme ça et qu’elle pleure ? dit le pauvre enfant tout tremblant et me regardant comme pour m’interroger ; car il voyait bien que la servante sanglotait trop fort pour lui répondre.

« — C’est qu’elle a connu votre mère, lui dis-je, et que vous lui ressemblez tant, qu’elle croit la revoir après sa mort et l’embrasser en vous.

« — Ma mère ? dit le petit, elle n’est pas morte, Dieu merci ! Elle se porte bien, au contraire ; elle est bien plus jeune et bien plus rouge sur les joues que celle-là ; et puis, tout le monde dit que je ne lui ressemble pas du tout, pas plus qu’un agneau blanc ne ressemble à une brebis noire.