Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/389

Cette page a été validée par deux contributeurs.

une longue vie, et qui n’ont rien encore à retenir dans leur cœur ; des dents petites et rangées comme des grains de grenade dans leurs alvéoles de chair rose ; un petit nez dont les narines transparentes palpitaient comme les ailes d’un petit oiseau qui s’efforce de les ouvrir avant qu’elles aient les plumes ; un front arrondi, blanc sur les yeux, marqué de rose sous les cheveux par la trace du lourd chapeau qui en avait pressé la peau trop tendre ; des cheveux d’un blond foncé, approchant du noir, longs, ondés, vernissés et séparés par l’eau qui en coulait en nattes fines et humides, comme ceux d’une femme quand elle peigne le matin ses tresses sortant du réseau qui leur a donné ses plis nocturnes. Avec tout cela, quelque chose dans le regard, dans la physionomie, dans l’attitude, dans les mouvements, de sérieux, de réfléchi, d’attentif à ce qu’il faisait, au-dessus de son âge. Je ne me lassais pas de le voir ôter sa veste, l’étendre sur ses genoux pour la faire égoutter, vider ses poches, retourner son sac sur sa chaise, ranger son bâton derrière la porte, aller, venir dans la cuisine, en prenant garde de ne rien déranger et de ne pas marcher avec ses gros souliers ferrés sur les pattes du chien ou du chat. Geneviève ne le contemplait pas avec moins d’attention et ne l’admirait pas avec moins d’étonnement que moi ; elle semblait même l’étudier d’un œil plus fixe et plus attendri, comme s’il y avait eu dans ce visage et dans ce caractère je ne sais quel souvenir ou quelle ressemblante qui reportait sa pensée au loin et où elle ne voulait pas aller.