Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/386

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de malade en ce moment dans le village. Elle me reconnut et m’embrassa comme sur le pont.

« Oh ! je suis bien heureuse, Monsieur, me dit-elle ; je ne suis plus servante de personne, mais je suis la servante de tous ceux qui n’en ont point. Quelquefois, comme aujourd’hui, je n’ai que le bon Dieu à servir ! et vous, si vous voulez, ajouta-t-elle avec grâce, car la chambre des pauvres est vide et le lit est bien propre, acceptez donc d’y passer la nuit. Nous ne manquerons ni d’œufs, ni de miel, ni de pain de seigle quand on saura dans le village que c’est vous. Et puis, le chien ! Ah ! va-t-il être aise de vous revoir, lui ! car il vous connaissait bien pour l’ami de son maître, et quand je dis votre nom par badinage, il branle la queue comme s’il voyait dans sa mémoire. »


CXXXII


J’acceptai avec joie l’hospitalité de Geneviève, et toutes les voisines, sachant par elle qu’elle avait le monsieur à nourrir, apportèrent plus qu’il ne fallait pour un souper de chasseur.

Nous soupâmes ensemble comme à la table de la cure, en causant du vieux temps de deux ans. Après souper, elle jeta une brassée d’éclats de sapin au feu, et nous continuâmes à parler de choses et d’autres jusqu’à onze heures de nuit, au bruit du tonnerre qui grondait bien fort et de la pluie à torrents qui tombait contre les vitres de la chambre.