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autres, pauvres servantes, il faut bien gagner le pain que vous ne nous avez pas donné en naissant. Nous sommes peut-être plus agréables encore à vos yeux pour cela, si nous savons comprendre notre état ; car, outre la peine, nous avons l’humiliation du salaire que nous sommes forcées de recevoir pour servir souvent ceux que nous aimons.

« Nous sommes de toutes les maisons, et toutes les maisons peuvent nous fermer leurs portes ; nous sommes de toutes les familles, et toutes les familles peuvent nous rejeter ; nous élevons les enfants comme s’ils étaient à nous, et, quand nous les avons élevés, ils ne nous reconnaissent plus pour leurs mères ; nous épargnons le bien des maîtres, et le bien que nous leur avons épargné s’en va à d’autres qu’à nous ! Nous nous attachons au foyer, à l’arbre, au puits, au chien de la cour, et le foyer, l’arbre, le puits, le chien, nous sont enlevés quand il plaît à nos maîtres ; le maître meurt, et nous n’avons pas le droit d’être en deuil ! Parentes sans parenté, sans famille, filles sans mères, mères sans enfants, cœurs qui se donnent sans être reçus : voilà le sort des servantes devant vous ! Accordez-moi de connaître les devoirs, les peines et les consolations de mon état, et, après avoir été ici-bas une bonne servante des hommes, d’être là-haut une heureuse servante du maître parfait ! »


CXXIV


Ici finit le récit de Geneviève.

Elle continua tranquillement son tricot, après l’avoir terminé, comme si je n’avais interrompu son travail et le cours ordinaire de ses pensées que pour lui demander un