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CXXIII


« Un soir du dernier hiver, il vint ici un vieillard en habit d’ermite demander à passer la nuit au presbytère. Monsieur le curé était descendu à Grenoble ; tout de même je reçus bien le pauvre pèlerin. Je lui fis la soupe, je lui préparai des œufs, je lui donnai un lit, je mis de la braise au feu, nous passâmes la soirée à causer ensemble, comme nous voilà, jusqu’à près de minuit. Ah ! monsieur, excepté monsieur le curé lui-même quand il parlait de Dieu en chaire, je n’ai jamais entendu un homme parler comme celui-là. Je le regardais quelquefois en dessous pour voir si ce n’était pas un ange déguisé. Je lui demandai de m’apprendre une prière de mon rang et de mon état.

« En s’en allant, le lendemain matin, il me laissa ce morceau de papier, qu’il avait écrit avec la plume de monsieur le curé, et il me dit de le lire quelquefois en me souvenant de lui. Le voilà, monsieur, lisez-le. »

Et je lus :


PRIÈRE DE LA SERVANTE


« Mon Dieu, faites-moi la grâce de trouver la servitude douce et de l’accepter sans murmure, comme la condition que vous nous avez imposée à tous en nous envoyant dans ce monde. Si nous ne nous servons pas les uns les autres, nous ne servons pas Dieu, car la vie humaine n’est qu’un service réciproque. Les plus heureux sont ceux qui servent leur prochain sans gages, pour l’amour de vous. Mais nous