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observé les animaux. Dieu en a fait pour toutes les professions. La nourriture et l’habitation n’y changent rien ; ils sont ce qu’ils sont. Vous voyez un chien noble chez un paysan, et un chien paysan chez un noble. Ils ne s’y trompent pas entre eux, allez, ils se reconnaissent bien pour ce qu’ils sont, d’autant mieux qu’ils n’ont pas d’habits pour se déguiser. Ils sont fiers ou humbles, selon le rang ; ils se portent envie ou respect tout comme entre nous. Toute la nature est faite de la même pâte. Mais dites-moi donc comment était le vôtre.

« — C’était un chien ni grand ni petit, ni gras ni maigre, dont le nom était Loulou, parce qu’il venait de cette espèce qu’on appelle les chiens-loups ; il avait le museau un peu pointu, l’œil gris et vif, des dents courtes et blanches, les lèvres souriantes, la voix douce et un peu plaintive quand il était à la chaîne, deux petites oreilles droites, aiguës, toujours dressées, et qu’il tournait de droite et de gauche, comme les ailes d’un moulin à vent, pour prendre le bruit. Sa queue, fourrée comme celle d’un renard, était droite et relevée à l’extrémité, mais le poids de sa soie longue et épaisse la courbait vers le milieu. Son poil était long, doux à toucher comme des étoupes bien peignées. Ce poil était si touffu, que, quand je le caressais, ma main y entrait tout entière, et que, quand je la retirais, la place de mes doigts y restait marquée, comme les pieds restent marqués dans le pré quand l’herbe est haute. Je vous ai dit un chien paysan, mais tirant sur le bourgeois, à peu près comme celui de monsieur le curé, que vous voyez là, sur sa chaise.