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sur le bord, les pieds au soleil, et je tricotais mon bas ou bien j’ourlais mes serviettes, là, avec eux deux. L’homme est si bête, monsieur, que je me sentais pour ainsi dire heureuse de me sentir là auprès de deux animaux qui m’aimaient. J’écoutais leur souffle et je sentais leurs têtes chaudes sur mon cou. Enfin, monsieur, j’en demande bien pardon à Dieu, parce qu’on dit qu’il faut croire que les animaux n’ont pas d’âme (et je crois que ce sont les bouchers et les charretiers qui ont dit ça) ; mais, en vérité, quand je regardais bien dans leurs yeux, j’y croyais voir derrière une pensée à la fenêtre, tout comme dans les miens lorsque je me voyais au miroir. Enfin, c’est égal, le bon Dieu sait ce qui en est, ça ne me regarde pas. Toujours est-il que ce chien et cet agneau, c’était ma société, ma famille, ma consolation à moi. Que voulez-vous ? on prend son bien là où on le trouve.


LXXXIX


« Ah ! mais, dit Geneviève en se reprenant, je ne vous ai pas dit comment était le chien.

« — C’est vrai, répondis-je, dites-le-moi un peu ; vous savez combien je les aime.

« — Eh bien, ce n’était pas un chien bourgeois, comme le vôtre, car vous savez bien qu’il y a des chiens de tous les états, ainsi que des hommes : des chiens mendiants, des chiens ouvriers, des chiens bourgeois, des chiens seigneurs ; ça se connaît au poil, chez eux, comme chez nous à l’habit ; pourquoi ? je ne vous le dirai pas, c’est un mystère, mais c’est comme cela.

« — Cela me prouve, Geneviève, que vous aviez bien