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faite, et ça me plaisait, à moi, de rendre service, même pour rien. Je n’avais pas de fierté dans mes habits, et je ne craignais pas la peine, comme vous voyez. Mais qui est-ce qui me prendrait à Voiron, où ma renommée était connue, et qui est-ce qui me prendrait ailleurs sans certificat ? Une pauvre fille qui a eu un malheur, qui a exposé un enfant au tour, qui a pourri deux mois dans les prisons de Lyon ! ça n’est pas flatteur, n’est-ce pas ? Non. Eh bien donc, il n’y avait qu’une seule personne, dans tout Voiron, qui pût me donner un certificat en conscience ; et cette personne avait besoin de certificat pour elle-même dans mon affaire, et il n’y avait aussi que moi qui pouvais le lui donner, en vérité : c’était la sage-femme, la mère Bélan. Voyez un peu les hasards des choses humaines ! Nous étions toutes deux suspectes, et il n’y avait que nous qui pussions certifier l’innocence et la moralité l’une de l’autre. Mon Dieu, que la vie est un écheveau mal débrouillé ! »

Cette réflexion me fit sourire, quoique je fusse véritablement attendri par l’embarras singulier de cette pauvre fille.


LXXXV


« Eh bien, c’est égal, dis-je le matin en me réveillant, j’irai chez la sage-femme. » Et j’y allai avant qu’il y eût du monde dans les rues.

« La sage-femme me fit un certificat comme quoi j’étais, moi, Geneviève, une fille probe et honnête, qui n’avait jamais fait de tort à personne dans le pays, et qui méritait la confiance de tous et de chacun, soit pour la cuisine, soit pour le ménage, soit pour garder les enfants à la maison ;