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libertinage et du crime. Puis, des éclats de rire qui auraient fait pleurer les anges dans le paradis.

« — Et toi, qu’as-tu fait pour mériter d’être en notre compagnie ? me disaient-elles.

« — Moi ! je n’ai rien fait, grâce à Dieu !

« — Oh ! la niaise ou l’hypocrite ! qu’elles disaient en me montrant du doigt ; va, tu en sais plus long que nous toutes, avec ton air de sainte dans sa niche ; ou bien, si tu es aussi innocente que tu le dis, nous t’aurons bientôt déniaisée ! »

« Je me mettais à pleurer, monsieur, de honte, et j’allais m’asseoir toute seule sur les marches du cloître, qui descendaient dans le préau, sous les murs de la chapelle, priant dans mon cœur le bon Dieu, mais sans remuer les lèvres, de peur qu’elles ne me disent trop d’injures. Ah ! quelle écume, monsieur, il y a dans les grandes villes ! Toute la boue ne va pas dans les égouts, allez !

« Quand le concierge et sa femme virent cela, au bout de deux ou trois jours, cette brave femme, ayant besoin d’une aide pour tirer de l’eau, pour balayer et faire les lits dans les dortoirs, me prit chez elle le jour, et me fit coucher, la nuit, dans une soupente, au-dessus de sa loge. Ah ! que je fus contente et que je servis bien. J’avais l’habitude, ça ne me coûtait rien. Je soignais aussi ses enfants tout petits ; ça me faisait penser à celui de ma sœur. Cette brave femme s’accoutuma si bien à mon service, qu’elle me dit : « Quand vous sortirez de prison, si vous voulez rester, je vous donnerai des gages.

« — Ce n’est pas de refus, lui répondis-je ; on ne sait pas ce qui peut arriver. »