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rieur de ton Italie. Romains par les sens, Bretons par le cœur, tièdes comme notre nouveau ciel, sévères comme notre ancien sol, rêveurs comme ces nuits, graves comme nos brumes, voilà mon frère et moi au dedans. Quant à l’extérieur, du moins lorsqu’il avait seize ans et qu’il partit pour la Bretagne, s’il avait revêtu mes vêtements, et que j’eusse revêtu les siens, notre mère elle-même aurait eu de la peine à nous reconnaître. Je suis son ombre et il est mon miroir. Mais l’âge à présent aura dû le changer un peu. Dieu ! que je voudrais le revoir, sur son beau cheval noir et sous ses armes dont il m’écrit de si vives descriptions, avec cet enthousiasme militaire de nos Bretons pour son nouveau métier.

« — Et moi donc, disait Régina, que je voudrais le voir ! Il me semble que c’est encore toi que je verrais, que je l’aimerais comme je t’aime, que je lui parlerais comme je te parle, et que je ne serais pas plus intimidée avec lui qu’avec toi. »

Et les deux amies s’embrassaient et se mettaient à rire et à rêver tout bas, de peur que le bruit de ces conversations ne réveillât les religieuses.


XIX


La vérité, à ce que m’a dit plus tard Régina, quand elle eut l’âge de sonder de l’œil son propre cœur, c’est qu’en adorant Clotilde, elle aimait déjà deux êtres en elle sans s’en douter, son amie et le frère de son amie, qui se confondait dans son imagination avec elle tellement, qu’il lui était impossible de séparer les deux images, tant est puissante, dans une imagination solitaire qui ne se nourrit