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n’avait jamais été cachetée. Je la lus tout bas pour ne pas faire de la peine inutile à la pauvre fille. La voici :


« Monsieur Cyprien,

« Celle-ci est pour vous dire que vous ne pensiez plus à moi pour votre femme… Pourtant, si vous pensez comme j’y pense, ça me fera toujours plaisir, attendu que nous n’avons rien à nous reprocher, du moins vous, ni moi non plus ; mais tout est dit. Le bon Dieu ne veut pas que je me marie avec vous. Je n’en épouserai jamais d’autre. Je vais vous dire pourquoi. Allez, je vous plains bien ; mais ce n’est pas ma faute.

« Cette nuit, la petite est tombée du lit par terre. Elle a été morte pendant je ne sais combien de temps. Pour lors, je l’ai ramassée et j’ai été morte aussi. Ma mère est revenue ; elle m’a dit comme ça : « Caïn, qu’as-tu fait de ta sœur ? »

« Pour lors, la petite m’a dit : « N’est-ce pas, que tu ne te marieras pas avec monsieur Cyprien ? » J’ai dit : Non, ma mère, » et j’ai fait le vœu ; c’est fini, il n’y a plus à y revenir. Ah ! mon Dieu, monsieur Cyprien, qu’allez-vous penser de moi ?… Moi qui aimais tant toute votre famille, et vos vaches et le mulet ! Allez, je suis bien malheureuse. Parlez-leur de moi. Renvoyez-moi le bouquet et la bague ; voici votre ganse de chapeau, en fil de tresse, que vous avez oubliée sur le comptoir. Mon Dieu ! que j’ai de chagrin !… Non, je n’y survivrai pas… Mais vous, ne vous faites pas d’ennui pour cela, ça n’en vaut pas la peine.

« Je suis bien aise de vous dire que tout va bien à la maison. Dites-en de même chez vous. Votre père et votre mère ont été bien honnêtes vis-a-vis d’une pauvre fille comme moi. C’est dommage qu’il n’y eût pas deux chambres au-dessus de l’écurie. La petite n’aurait pas coûté beau-