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« — Avec M. Cyprien, que tu connais bien, et qui te tient, quand il vient, sur ses genoux.

« — Oh ! tant mieux ! dit-elle ; mais M. Cyprien, il est de la montagne. Est-ce qu’il va demeurer avec nous ? »

« Je me sentis toute honteuse devant l’enfant, et je m’embarrassai pour répondre. À la fin je pensai : « Bah ! il vaut autant lui dire tout de suite. »

« — Non, que je lui dis, il reste à la montagne.

« — Mais toi, reprit-elle, tu ne resteras donc pas avec lui ?

« — Si ! lui dis-je.

« — Tu resteras à la montagne ?

« — Eh ! oui, puisque j’y serai mariée.

« — Et moi, ajouta-t-elle en desserrant ses mains d’autour de mon cou et les battant l’une contre l’autre, j’irai donc rester à la montagne ? Oh ! que je suis aise ! J’aime tant M. Cyprien, son chien et son mulet, le lait, les pommes, les oiseaux, les papillons ! On dit qu’il y en a tant là-haut ! Quand est-ce que nous y allons ?

« — Mais toi, répondis-je de plus en plus embarrassée de répondre, toi, tu n’y viendras pas, mon enfant ; tu resteras à Voiron, chez ta maîtresse, qui t’apprend la dentelle. Elle t’élèvera avec ses enfants ; elle aura bien soin de toi ; je viendrai te voir souvent, souvent ; tu seras bien heureuse !

« — Méchante ! s’écria l’enfant, tu me laisserais ? tu aurais bien le cœur de t’en aller sans moi, sans moi, qui ne t’ai pas plus quittée que ta chemise depuis que je suis venue au monde ; sans moi, qui ai toujours vécu, mangé, couché avec toi, comme si j’étais ta fille ; sans moi, qui n’ai pas seulement pu m’endormir une heure aujourd’hui, parce que je n’étais pas couchée là avec toi ? Méchante ! répéta-t-elle avec un accent de colère et en me frappant