Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/254

Cette page a été validée par deux contributeurs.

marcher à côté, un peu en avant, en tenant le mulet par le licou, et s’il fait un faux pas, ou si vous avez peur, criez librement, et jetez-vous de mon côté, je ne vous laisserai pas tomber à terre, allez ! »


XXX


« J’avais bien peur ; mais je ne dis rien et je me rassurai en regardant les épaules et les cheveux de Cyprien, qui touchaient presque à mon genou. Je me dis : « Je n’ai rien à craindre si près de lui. » Il n’était pas tout à fait jour encore quand nous traversâmes le petit pont au milieu des prés et que nous commençâmes à gravir le sentier qui mène aux montagnes.

« Cyprien, sans me regarder et sans me rien dire, se mit à chanter de toute sa force, et avec une si belle voix que les rochers de la route en sonnaient, la chanson des fiançailles dans la montagne. Vous savez bien, monsieur, cette chanson qui dit :

Belle, ouvrez-moi la porte,
À l’heure de minuit.

« Les grelots et les fers du mulet sur les roches luisantes accompagnaient la chanson de Cyprien, et les rossignols qui s’éveillaient, et les alouettes qui partaient, et la chute des cascades qui bruissaient, et les jeunes filles qui sortaient du lit et qui se mettaient sur les portes de leurs chalets pour nous voir passer, tout cela était si gai, monsieur, que je ne me sentais plus le cœur de contentement, et qu’il me semblait qu’on m’enlevait au troisième ciel. Je me souvenais