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donc du chagrin, Geneviève ? Pourquoi ce vilain monsieur Cyprien est-il venu te faire de la peine ? »

« Cela faisait rire Cyprien, à qui je le redisais quand la petite était loin, et je me mettais les bords de mon tablier sur les yeux, comme si j’avais pleuré ; mais c’était pour sourire et pour regarder, en souriant, Cyprien, qui me serrait le doigt. Puis la petite venait me tirer mon tablier de dessus les yeux et disait : « Ah ! vous riez ; c’est un badinage ! »


XXVII


« Nous ne rentrâmes que bien tard à la maison, ce jour-là, après être convenus de tout. Cyprien repartirait la même nuit ; il ferait ses foins pendant les deux semaines ; il viendrait me chercher à Voiron pour que les fiançailles se fissent dans le village et dans la maison de son père, à cause de sa mère boiteuse qui ne pouvait pas descendre ; il me ramènerait le même jour à Voiron, et nous nous marierions après les orges rentrées, la semaine d’avant l’Assomption.

« Il est parti content comme si nous eussions été déjà l’un à l’autre. Il croyait à ma parole, le pauvre garçon, comme si c’eût été parole d’Évangile. Ah ! monsieur, que j’ai été traître ! dit-elle en se frappant la poitrine avec ses aiguilles de bas, comme si elle eût voulu se les plonger dans le cœur ; mais c’était pour un bon motif pourtant, reprit-elle avec un accent de conviction qui parut la consoler elle-même.

« — Comment, Geneviève ! lui dis-je avec étonnement, vous avez été traître, vous ?