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XIV


On a vu, par le portrait de Régina à dix-neuf ans, ce que devait être sa figure à quatorze ans. Quant à Clotilde, je ne l’ai jamais vue ; je ne connais d’elle que les portraits que son frère me faisait souvent de sa figure, et par la prodigieuse ressemblance qu’elle avait, disait-il, avec lui. Il me la dépeignait comme une jeune fille plus Italienne de nature et de traits que Régina elle-même, aux yeux noirs, au front pâle, aux cheveux lisses et foncés, aux lèvres sérieuses, à l’expression pensive et ferme, mûre avant l’âge, triste avant la douleur, éloquente avant la passion, un pressentiment incarné de la vie, de l’amour, de la mort, l’ombre d’une statue projetée par le soleil sur la dalle d’un tombeau du Vatican. Son regard, me disait-il, creusait ce qu’elle regardait ; sa parole sculptait, au contraire, ce qu’elle avait vu ou imaginé. Elle se gravait ainsi elle-même dans la mémoire de ceux qui l’avaient vue une seule fois, comme s’il y avait eu une magicienne dans la jeune fille. Mais cette magie, ajoutait-il, n’était pas de la terreur, c’était de l’attrait ; on l’adorait en l’admirant.


XV


Elle était déjà dans le monastère depuis quelques mois lorsque Régina y fut amenée par sa grand’mère pour achever son éducation. Régina, gãtée et adulée jusque-là par sa grand’mère, et effrayée par le costume et par la vieil-