Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/212

Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus épaisse pour se coucher au pied de mon lit, ni une eau plus limpide pour boire dans leur jatte de terre vernie ; jamais je n’avais trouvé plus exactement, au retour de mes longues chasses dans les bois, la farine de maïs bouillottant à petit feu dans la marmite sous sa croûte dorée, la pomme de terre sous la cendre, le chou, la rave, la courge du jardin cuits au four ni le pain de seigle plus savoureux et plus frais sous la serviette de chanvre écru dans la huche ; jamais le beurre ou le miel de la plaine n’avaient été si jaunes, si onctueux, si attentivement battus dans l’étable ou si proprement servis dans le rayon de cire. C’était le régime auquel j’avais été habitué à la campagne, pendant mon enfance, chez une mère sobre et tendre, le régime des chartreux assaisonné par la tendresse et par la grâce de la femme.


VI


Selon l’habitude de ces montagnes, nous prenions nos repas du soir dans la cuisine, sur la seule table de noyer massif longue et étroite qu’il y eût dans la maison. À l’une des extrémités de cette table, Geneviève, comme du temps de son maître, étendait la nappe, mettait mon assiette, mon couvert d’étain, et posait les plats, le pain et le vin. Je m’asseyais sur un des bancs de bois qui règnent des deux côtés de la table. À l’autre bout, il n’y avait point de nappe, il n’y avait qu’une écuelle et une assiette de terre dans lesquelles la servante prenait sa soupe et sa portion de lard, de courge, de salade ou de choux en même temps que moi ; mais, selon les rites du pays, elle mangeait debout, son écuelle à la main, continuant à me