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parler à ses poules, ou chanter à demi-voix en tricotant près de la fenêtre, pour distraire les oiseaux, qui lui répondaient.


V


Au bout de huit ou dix jours, elle s’était tellement accoutumée à ma présence dans la maison, que je ne lui inspirais plus aucun embarras. Elle savait que j’avais été l’ami le plus cher de son maître. Elle reportait tout naturellement sur moi l’attachement respectueux qu’elle avait pour lui. D’ailleurs elle avait besoin de servir quelqu’un et d’aimer celui qu’elle servait. Tout son service n’était qu’inclination naturelle et satisfaite à obliger. Elle se rendait heureuse elle-même en prévenant les moindres désirs de ceux auxquels son état de servante la dévouait moins encore que son cœur. Ma jeunesse aussi l’intéressait ; elle était fière de remplacer autant qu’elle pouvait son maître mort dans l’accueil qu’il aurait fait vivant à ce jeune homme pour qui elle connaissait sa tendresse. Elle tenait à l’honneur de la maison et à la grâce de l’hospitalité, même après que la maison était vide et que l’hôte était parti pour un autre séjour. Elle s’empressait à tout. Elle savait par son maître la simplicité de mes goûts. Jamais, chez ma propre mère, ils n’avaient été si complétement et si gracieusement prévenus par les bonnes femmes du ménage ou du jardin. Jamais les livres et les papiers n’avaient été plus religieusement retrouvés à leur pli ou à leur page marquées sur ma table de bois ; jamais les tisons dormant le jour sous la cendre n’avaient été plus soigneusement rapprochés le soir, pour donner une douce tiédeur à la veillée ; jamais mes chiens n’avaient eu une natte de paille