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mur, qui n’ouvrait que par une petite porte, empêchait d’apercevoir de la rue. Derrière cette aile dégradée de l’ancien monastère, on voyait un monceau de ruines recouvertes à demi de végétations pariétaires, quelques murs encore debout, percés à jour, et de grandes fenêtres sans châssis par lesquelles on voyait le ciel ; un jardin presque inculte montait derrière ces ruines du couvent démoli vers les remparts par une large allée, autrefois pavée, maintenant tapissée de hautes herbes sèches ; sous les murs mêmes, une autre allée transversale, et presque toujours à l’ombre, serpentait en suivant la courbe des bastions. Il y avait aux deux extrémités une statue de sainte verdie par l’humidité des lierres et des mousses de la muraille. C’était la promenade habituelle des religieuses et des jeunes recluses de ce couvent ruiné. En descendant vers la rue, on apercevait un long cloître extérieur dont le toit en terrasse portait sur de petites colonnes de marbre blanc. Ce cloître servait d’avenue à une petite chapelle de belles pierres jaunes comme celles de Saint-Pierre de Rome. Deux anges de marbre noir, à demi couchés sur l’entablement du portail, et se tendant les bras comme pour s’aider à porter un fardeau, unissaient leurs mains pour élever un calice. Les portes-fenêtres, les cellules des religieuses et les cellules des deux élèves plus âgées ouvraient sur la terrasse formée par le toit plat de ce cloître. Une statue de la Vierge tenant son enfant comme pour l’allaiter surmontait sur le cloître même une fontaine alimentée par une dérivation de l’immense chute de l’Aqua Paulina, et qui, murmurant jour et nuit sous les arcades, remplissait cette solitude du seul bruit de vie qu’on entendît dans ce silence de tous les vivants.

Tel était le monastère habité par les deux amies.