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événement de sa propre histoire, et lui dire : « Pèse-toi toi-même, non pas au faux poids de tes passions du jour, de tes préjugés, de tes colères, de ta vanité nationale, de ton étroit patriotisme, mais au poids juste et vrai de la conscience universelle du genre humain et de l’utilité de l’acte pour la civilisation » ; le convaincre que l’histoire n’est point un hasard, une mêlée confuse d’hommes et de choses, mais une marche en avant à travers les siècles, où chaque nationalité a son poste, son rôle, son action divine assignée, où chaque classe sociale elle-même a son importance aux yeux de Dieu ; enseigner par là au peuple à se respecter lui-même pour ainsi dire religieusement ; avec conscience de ce qu’il fait, à l’accomplissement progressif des grands desseins providentiels ; en un mot, lui créer un sens moral et exercer ce sens moral sur tous ces règnes, sur tous ces grands hommes et sur lui-même, j’ose dire que c’est là donner au peuple bien plus que l’empire, bien plus que le pouvoir, bien plus que le gouvernement ; c’est lui donner la conscience, le jugement et la souveraineté de lui-même ; c’est le mettre au-dessus de tous les gouvernements. Le jour où il sera en effet digne de régner, il régnera. Les gouvernements ne sont que le moule où se jette la statue d’un peuple, et où elle prend la forme que comporte sa nature plus ou moins perfectionnée. Tel peuple, tel gouvernement, soyez-en sûr ; et, quand un peuple se plaint du sien, c’est qu’il n’est pas digne d’en avoir un autre. Voilà l’arrêt que Tacite portait déjà de son temps, il est encore vrai de nos jours.

Mais une tentative pour populariser l’histoire a réveillé en moi une pensée qui dort depuis dix ans dans mon âme, pensée que j’ai présentée à réaliser tour à tour aux grands partis et au gouvernement de mon pays, et qu’ils ont laissée tomber à terre avec indifférence, parce que ce n’était pas