Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/186

Cette page a été validée par deux contributeurs.


XXVII


Cette conversation me fit venir la pensée d’essayer de remplir bien imparfaitement le programme de cette intéressante fille, par quelques récits en prose et par quelques chants populaires en vers, pour les dimanches du peuple affamé de lecture et qui n’a pas encore d’écrivains à lui. J’ai beaucoup vécu avec les paysans, avec les matelots, avec les ouvriers, avec les bons et fidèles domestiques qui font partie de nos familles ; j’ai passé bien des heures dans les chaumières, dans les casernes, sur le pont des bâtiments, sur les bords des routes, sur les montagnes avec les bergers, derrière la charrue avec le laboureur, dans les sentiers de la vigne avec les vignerons, le long des fossés des grandes routes, à causer intimement avec toutes ces intelligences naïves, simples et bonnes, dont la langue, les mœurs, les sentiments, me sont plus familiers que ceux des salons. J’ai été témoin ou confident de sept ou huit vies obscures, mais pleines d’intérêt, de douleurs ou de bonheurs cachés, qui, si on les écrivait comme ils ont été sentis, seraient de véritables petits poëmes vrais du cœur humain. J’en connais les sites, les événements, les acteurs. Je vais tenter de les écrire aussi simplement qu’ils m’ont été racontés. Je les publierai un à un, en volumes détachés, à bas prix, sans luxe de papier ni d’impression, pour les rendre accessibles aux plus pauvres familles d’artisan. Je n’y mettrai ni prétention de style, ni effort de talent, ni esprit de système ; la nature, la nature, et encore la nature : voilà tout le génie pour ces sortes de productions. Le peuple s’en inspire de plus près encore que nous.